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Femmes du Prolétariat!

26/03/2015

Où sont vos maris ?… Où sont vos fils?

Ils ont été arrachés à leur travail et, depuis huit mois, ils sont sur les champs “de bataille.

Des jeunes gens, appuis et espoirs de leurs parents, des hommes, jeunes ou à cheveux gris, qui nourrissaient leurs familles, tous, ils ont endossé l’uniforme, vivent dans les tranchées et sont condamnés à détruire ce qu’un travail diligent avait créé.

Des villes et des villages incendiés, des ponts détruits, des forêts anéanties, des champs dévastés: voilà les traces de leur activité.

Des millions d’hommes reposent déjà dans les fosses communes. Des centaines et des centaines de mille sont dans les hôpitaux, le corps déchiqueté, les membres mutilés, les yeux privés de lumière, le cerveau lésionné ou éteint, frappés par les épidémies ou tombés d’épuisement.

Femmes du Prolétariat !

On dit que vos maris, vos fils, sont allés sur les champs de bataille, pour vous protéger, vous autres, «faibles femmes», pour protéger vos enfants, vos maisons, vos foyers… Et quelle est la réalité ?

La réalité, c’est qu’un double fardeau pèse sur les épaules des «faibles femmes». Vous êtes livrées au chagrin et à la misère; vos enfants souffrent la faim et le froid; votre foyer est vide et morne.

On a parlé de la fraternité entre riches et pauvres, de la trêve des partis et des classes.

Or, cette fraternité, cette trêve se manifestent par des diminutions de salaires

que vos exploiteurs vous imposent, par l’élévation du coût de la vie du fait de spéculateurs avides. L ’Etat vous mesure parcimonieusement son aide. La philanthropie bourgeoise vous offre des soupes humiliantes et vous invite à l’épargne.

Quel est le but de cette guerre, cause de tant de souffrances

On vous dit : « Il y va de la défense de la Patrie et du bien-être qu’elle procure à ses enfants. Qu’est-ce que cela veut bien dire? Serait-il question du bien-être des millions et des millions d’êtres humains dont la guerre a fait des cadavres, des invalides, des veuves, des orphelins, des chômeurs et des mendiants.

Qui menace la Patrie?

Est-ce que ce sont ceux qui, de l’autre côté de la frontière, vêtus d’un autre uniforme, pas plus que vous n’ont voulu la guerre, pas plus que vous ne savent pourquoi ils doivent tuer leurs frères? Non. La patrie est menacée par ceux qui sont riches et puissants de la misère des masses ouvrières qu’ils oppriment.

A qui cette guerre profite-t-elle ?

D’abord à la petite minorité de chaque nation: fabricants de fusils et de canons, constructeurs de navires de guerre, fournisseurs de l ’armée. Ils ont, pour leurs profits, fomenté la haine entre les peuples et contribué à faire déclarer la guerre.

De plus, la guerre est utile aux capitalistes en général. Le travail de la classe exploitée accumule des quantités de marchandises que les masses, trop pauvres, ne peuvent pas consommer.

Pour que ces marchandises puissent s’écouler il faut, qu’après les avoir créées par son travail l’ouvrier donne son sang pour leur ouvrir de nouveaux marchés extérieurs. Des colonies doivent être conquises pour que les capitalistes volent les richesses et les terrains et exploitent une nouvelle main-d’œuvre.

Le but de cette guerre est donc, non la défense de la patrie, mais son agrandissement.

Ainsi le veut le système capitaliste qui ne peut subsister que par l’exploitation de l’homme par l’homme.

Les ouvriers n’ont rien à gagner dans cette guerre, ils ont tout à perdre… tout, tout ce qui leur est çher.

Femmes de la classe ouvrière!

Les hommes des pays belligérants doivent se taire. La guerre a troublé leur conscience, paralysé leur volonté, mutilé tout leur être.

Mais, vous autres femmes, vous avez à supporter soucis et peines pour ceux que vous aimez, qui sont sur les champs de bataille, et la misère à la maison. Qu’attendez-vous donc encore pour manifester votre volonté de paix ? Qui peut vous retenir? Qui peut vous effrayer?

Jusque-là vous avez souffert, maintenant il faut agir. Pour vos maris, pour vos fils.

Assez de meurtres !

Ce cri retentit dans toutes les langues;

Des millions de femmes prolétaires; le lancent.

Il trouve un écho dans les tranchées où la conscience des fils du peuple se révolte contre le meurtre, contre l’assassinat !

Femmes de la classe ouvrière !

A cette époque terrible, des femmes socialistes d’Angleterre, d ’Allemagne, de France et de Russie se sont réunies. Votre misère, vos souffrances ont pénétré leurs cœurs ; elles vous appellent à la lutte pour la paix, pour votre avenir et celui de vos enfants.

Et de même qu’au-dessus des champs de bataille, leurs volontés se sont unies, demain vous devez vous unir pour crier toutes ensemble : La Paix! La paix!

La guerre mondiale vous a imposé les plus grands sacrifices. Elle vous a enlevé les fils que vous avez mis au monde dans la souffrance et la douleur, que vous aviez élevés au milieu des soucis et des peines.

Elle vous enlève vos maris, vos compagnons de lutte dans la vie. Tout autre sacrifice est petit et insignifiant en comparaison de ceux-là.

L’humanité tout entière fixe son regard sur vous, femmes du prolétariat des pays belligérants. Deveniez les héroïnes, les sauveurs!…

Unissez-vous! Que votre volonté soit une!

Que votre action soit une!

Ce que vos maris ne peuvent exprimer, c’est à vous de le dire, de le redire et de le redire encore.

Les travailleurs de tous les pays sont frères. Ce n’est que leurs volontés unies qui peuvent mettre fin à l’assassinat des peuples.

Seul le socialisme est la paix future de l’Humanité.

A bas le capitalisme! qui sacrifie des hécatombes d’êtres humains à la richesse et au pouvoir des classes possédantes.

A bas la guerre! En avant pour le socialisme!

Berne, mars 1915

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